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Le Québec ouvre la porte aux patent boxes
Le gouvernement du Québec a annoncé lors de son budget de mars 2016 la première législation fiscale au Canada de type patent box
appelée « déduction pour société innovante » (DSI), afin de soutenir
l’effort des sociétés manufacturières québécoises en matière
d’innovation, et de favoriser la rétention des propriétés
intellectuelles mises au point au Québec. Celles-ci verront leur revenu
admissible imposé à un taux de 4 pour cent, ce qui ramènera à 19 pour
cent le taux d’impôt combiné fédéral-provincial payable. (Dans une
mesure similaire, le gouvernement de la Saskatchewan a annoncé
le 17 mai 2016 qu’il entreprendrait des consultations avec l’industrie
sur la réduction du taux d’impôt applicable à la commercialisation de
brevets et de propriété intellectuelle.) Une première version du texte
législatif n’est pas prévue avant l’automne.
La principale préoccupation concernant les incitatifs fiscaux actuels
relatifs à la recherche et au développement (R & D) est qu’ils
subventionnent les dépenses menant au développement de propriété
intellectuelle, mais ne réduisent pas la charge fiscale du revenu
découlant d’une telle propriété. (Une exception est celle de la
Colombie-Britannique, qui offre actuellement une réduction du taux
d’impôt pour certains revenus internationaux provenant de brevets.) De
tels incitatifs peuvent favoriser un transfert de propriété
intellectuelle vers des pays offrant un régime fiscal plus avantageux
pour les revenus découlant de leur utilisation (telles que la Belgique,
le Luxembourg ou les Pays-Bas).
La DSI prendra la forme d’une déduction dans le calcul du revenu
imposable, dont pourra se prévaloir toute société manufacturière
innovante admissible, c’est-à-dire une société 1) dont 50 pour cent ou
plus de ses activités consistent en des activités de fabrication et
transformation, et 2) dont le capital versé (incluant les sociétés
associées) est d’au moins 15 millions de dollars. La DSI sera disponible
aux sociétés dont l’exercice débute après le 31 décembre 2016, et sera
applicable aux éléments brevetés dont la demande de brevet a été déposée
après le 17 mars 2016, et dont le brevet est valide durant toute la
durée de l’exercice.
Cette nouvelle déduction sera égale à un pourcentage déterminé
(66,1 pour cent en 2017) de la valeur des éléments brevetés admissibles
incorporés dans des biens admissibles vendus ou loués, jusqu’à
concurrence d’un plafond correspondant à 50 pour cent des revenus nets
tirés de la vente ou de la location de biens admissibles. La valeur d’un
élément breveté admissible correspondra à la partie du revenu net
découlant de la vente ou de la location du bien dans lequel l’élément
breveté est incorporé et qui est raisonnablement attribuable à la
plus-value que l’élément breveté ajoute au revenu.
Certaines conditions d’application de la mesure, telle qu’annoncée,
risquent d’être difficiles à mettre en place en pratique, tel que la
tenue d’une comptabilité séparée pour les revenus et dépenses relatifs à
un bien admissible. De plus, la valeur d’un élément breveté, surtout
dans un contexte où plusieurs éléments brevetés sont incorporés dans le
bien vendu ou loué, risque également d’être difficile à établir, en plus
d’être susceptible d’être contestée par les autorités fiscales.
Une autre problématique est qu’à la différence d’une patent box
traditionnelle, la DSI n’accordera un incitatif fiscal que dans la
mesure où l’élément breveté est intégré à un bien loué ou vendu, et où
cet élément breveté découle d’efforts en R & D. De plus, un impôt
spécial sera prévu pour les sociétés ayant bénéficié de la DSI lorsqu’un
brevet n’est pas délivré, est invalidé, ou lorsque de nouvelles
cotisations sont émises et annulent un crédit d’impôt remboursable pour
la R & D pris en compte dans la détermination de la DSI, ce qui
expose les sociétés demandant la déduction à un risque de recouvrement
fiscal.
Darren Poiré
KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., Québec
dpoire@kpmg.ca
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