RS&DE dans le cadre d’un contrat : Qui a droit au crédit d’impôt?
Lorsqu’une partie réalise des activités de RS&DE pour le compte
d’une autre partie en vertu d’un contrat, les autorités fiscales ont
intérêt à veiller à ce que le crédit d’impôt auquel ces travaux donnent
droit ne soit pas demandé par les deux parties. Si la somme payée
correspond à la définition d’un paiement contractuel (similaire dans la
législation fiscale québécoise et la Loi de l’impôt sur le revenu), seul
le payeur a droit au crédit. Dans l’affaire
MDA Systems Ltd. (
2020 QCCQ 4190;
en appel), la Cour du Québec a jugé que le paiement versé au
contribuable par le partenaire financier satisfaisait à cette
définition. Par conséquent, les montants que le contribuable pouvait
demander au titre du crédit d’impôt relatif aux salaires pour la
RS&DE ont été considérablement réduits. Ce jugement traite d’une
question qui est rarement tranchée par les tribunaux, mais qui sera
déterminante pour fixer la contrepartie des projets de RS&DE
réalisés en vertu de contrats.
L’affaire portait sur un projet comportant différentes phases de
conception, de fabrication et de livraison de satellites financé par
l’Agence spatiale canadienne et sous-traité au contribuable. En
l’espèce, le nœud du litige était de déterminer si les sommes versées
constituaient, en tout ou en partie, un paiement contractuel. Les
législations québécoise et fédérale définissent toutes deux un
« paiement contractuel » comme un montant payé à un contribuable pour la
réalisation de travaux de RS&DE pour le payeur ou pour le compte du
payeur. L’application de cette notion a généralement pour effet de
réduire le montant servant de base pour le calcul des crédits d’impôt
pour la RS&DE.
Pour établir la nature des paiements reçus par le contribuable, le
tribunal a analysé les quatre critères énoncés à la section 5.5 de la
« Politique sur l’aide et les paiements contractuels » de l’ARC. Le
jugement s’appuie strictement sur ces critères, qui ne sont pas énoncés
dans la loi, ainsi que sur les commentaires formulés à ce sujet par la
fiscaliste Lucie Bélanger. La Cour souligne, par ailleurs, qu’il s’agit
d’une question à la fois de fait et de droit, et qu’aucun de ces
critères n’est en soi déterminant. Voici, en résumé, l’analyse de la
Cour en ce qui concerne les quatre critères :
- Exigences du contrat quant aux travaux à effectuer. Les
contrats liés au projet ne stipulaient pas explicitement que le
contribuable avait une obligation de réaliser des travaux de RS&DE.
Néanmoins, compte tenu de la nature complexe et novatrice des produits
livrables, la Cour a estimé que les parties savaient que de tels travaux
seraient nécessaires. En se fondant sur cette interprétation, le
tribunal a conclu à l’existence d’une obligation contractuelle implicite
concernant la RS&DE. Il ne s’est donc pas attardé à la recherche de
la commune intention des parties, un élément d’analyse essentiel en
matière de litige civil au Québec. Cette interprétation étant l’un des
éléments qui ont milité le plus fortement en faveur de l’ARQ, nous
anticipons qu’elle occupera une place centrale dans les arguments que le
contribuable présentera éventuellement en appel.
- Prix par rapport aux risques assumés. Au terme d’une
analyse de l’économie générale des contrats, le tribunal a déterminé que
le partenaire financier assumait la majeure partie des risques
financiers en cas d’échec du projet, une autre conclusion en faveur de
l’ARQ. En revanche, le tribunal n’a pas analysé chacune des phases du
projet séparément, malgré que celles-ci étaient assorties de modalités
différentes.
- Propriété intellectuelle. La Cour a déterminé que ce
critère étayait la thèse de l’ARQ, car la propriété intellectuelle
appartenait en définitive au partenaire financier et ce, même si le
contribuable avait obtenu des licences perpétuelles, irrévocables et
libres de redevances pour l’utilisation de la propriété intellectuelle
issue des travaux de RS&DE.
- Contrat de services. Les contrats dans le cadre du projet
ont été considérés comme des contrats de services (plutôt que des
contrats pour la vente de biens) au sens de l’article 2103 du Code civil
du Québec, car les travaux de RS&DE étaient essentiels (et non
accessoires) au projet et il existait une obligation implicite de
réaliser ces travaux. Le tribunal a conclu que ce critère, à l’instar
des trois précédents, appuyait les arguments de l’ARQ.
Un autre élément intéressant du jugement est le commentaire à la fois
bref et énigmatique fourni aux paragraphes 87 et 88, qui porte sur la
question du fardeau de la preuve dans le cadre d’appels en matière
fiscale. Ces paragraphes divergent quelque peu de la jurisprudence
récente de la CAF (notamment dans
Sarmadi c. Canada,
2017 CAF 131, et, plus récemment,
Eisbrenner c. Canada,
2020 CAF 93).
Marie-France Dompierre
Davies Ward Phillips & Vineberg, S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal
mfdompierre@dwpv.com
Etienne C. Laplante
Lavery de Billy, S.E.N.C.R.L., Montréal
eclaplante@lavery.ca